Les villes, renfermées
dans des enceintes plus ou moins fortes et situées
sur le sommet des monts ou sur les bords des rivières,
présentaient des rues étroites, irrégulières,
obscures et privées de courants d'air salutaires, comme
de la lumière du soleil. Le long de ces rues malsaines,
presque toujours non pavées, remplies d'immondices
et d'eaux croupissantes, au milieu desquelles se vautraient
de nombreuses troupes de porcs, étaient rangées
sans ordre des maisons formées d'une sorte de charpente
grossière et de terre pétrie, tandis que les
échoppes des marchands forains obstruaient les places.
Presque toujours les artisans d'une même profession
et des mêmes objets se logeaient dans les mêmes
rues. Ils cherchaient dans leur réunion, une force
garantissant de l'oppression. Aucune véritable police
n'existant encore, des brigandages se commettaient dans les
rues éloignées du centre, comme dans les sentiers
solitaires des forêts. Au milieu de ces villes, dont
les rues présentaient pendant la saison des pluies,
une fange qui ne permettait souvent de les parcourir qu'à
cheval ou monté sur des échasses, régnait
une humidité si grande et si corrosive, que la rouille
et le vert de gris couvraient les fers et les cuivres des
portes et des fenêtres !
Ces cloaques multipliés et les gaz qui ne cessaient
de s'en dégageaient faisaient naître et répandaient
ces maladies hideuses et terribles, connues sous le nom de
"mal des ardents" ou "feu sacré", et la lèpre,
la plus affreuse de toutes, qui faisait mourir deux fois le
malheureux qui en était atteint. Le lépreux
était déclaré mort civilement, il était
incapable de succéder, son mariage était dissous,
on célébrait ses funérailles et, avant
qu'il eut succombé à sa malheureuse destinée,
on le reléguait dans un quartier éloigné
où personne ne pouvait communiquer avec lui.