« Mourir Peut-être ? »

Scénario tiré du magazine "Info Jeu" numéro 5 de 1986 .

 

Quelque part à l'écart des routes, il existe une minuscule vallée d'un accès difficile et si démunie de ressources qu'elle n'intéresse pratiquement personne. Les visiteurs y sont rares depuis que les marchands ont jugé que les affaires qu'ils pouvaient y conclure ne rembourseraient pas leurs frais de voyage. Sur la plan politique, l'intérêt de la vallée est faible, et il s'avère qu'avant de pouvoir en prendre le contrôle, il faudrait réunir les habitants sous une même bannière, ce qui dans la situation actuelle est inenvisageable. Pour parvenir à cette vallée, il faut parcourir une dizaine de RI sur un chemin sommaire, à travers les montagnes. Au premier regard, la vallée apparaît comme une petite enclave au milieu des montagnes. Encaissée de toutes parts, elles s'étend autour de la résurgence d'une rivière souterraine assez importante. Elle comprend une partie boisée, au nord, et quelques parcelles d'une terre pauvre mais cultivables. A distance, on remarque que le centre de la vallée (d'environ 1 RI de large) est occupé par un village. Un examen attentif laisse entrevoir deux bâtiments relativement importants, installés à l'Est et à l'Ouest, sur les deux seules hauteurs que comporte la vallée, en dehors des cimes montagneuses qui l'entourent. En ce qui concerne le village, on finira par s'apercevoir qu'il ne s'agit pas d'un seul village, mais de deux groupements d'habitations distincts, situés de part et d'autre de la rivière et entourés de palissades.

L'HISTOIRE : Il y a un peu plus de trois siècles, la vallée était occupée par deux familles (Gengi et Suko) dont les activités traditionnelles étaient l'enseignement des Bugei. Le village fut construit près de la rivière pendant que l'on bâtissait les deux écoles sur les hauteurs. Les élèves venaient de tous horizons, attirés par l'excellente réputation des maîtres. Le village et ses champs subvenaient aux besoins des habitants de la vallée, qui prospérait pendant que les écoles acquéraient une notoriété de plus en plus importante.

Il en fut ainsi jusqu'à la mort de Jigoro Gengi à l'âge de 53 ans (il y a 291 ans). Jigoro Gengi (Bushi de 6ème niveau) avait un fils : Keiji, qui était destiné à assurer sa succession. Lorsque la fièvre emporta Jigoro Gengi, le jeune Keiji avait 22 ans (et était déjà Bushi de 5ème niveau). Il devint le nouveau Sensei de l'École Gengi. Il avait gagné son premier combat à l'âge de 12 ans et n'avait cessé, depuis, d'accroître sa popularité et sa maîtrise des Bugeï. Lorsqu'il devint Sensei, il comptait déjà parmi les figures légendaires du Nippon ancien. Mais son incroyable don pour les arts de combat s'accompagnait d'une ambition démesurée dont ses aînés n'avaient pas connaissance.

En peu de temps, la famille Gengi devint le Clan Gengi, fort déjà d'une bonne partie de la population de la vallée. Cinq ans après la mort de son père, Keiji Gengi visait le contrôle de la vallée et se préparait à supplanter la famille Suko, en guise d'ultime répétition, avant de se tourner vers des conquêtes plus grandioses. Lorsqu'il en vint à défier la famille Suko, Keiji se retrouva face à Kunamori, le Sensei de l'école Suko, un homme d'un âge respectable qui avait été un des meilleurs amis de son père. Kunamori avait lui aussi un fils, mais plus jeune et moins doué que Keiji. Après que Keiji eut lance le défi (un duel de Iaijutsu), il devint évident que Kunamori, trop âgé, n'avait aucune chance de vaincre (ni même de survivre). Son fils se devait donc de relever le défi tout en sachant qu'il courait lui aussi à une mort certaine. Pour sauver la vie de son fils en lui évitant le duel, Kunamori eut recours au Seppuku. La légende raconte que lorsqu'il s'infligea la troisième entaille rituelle devant son jeune ennemi qui voyait ses espoirs s'envoler sous le poids de la honte, son regard était chargé d'une telle haine que Keiji en fut profondément affecté.

:C'est à ce moment que débuta la plus sanglante bataille que la vallée ait jamais connue. Cela dura des jours entiers, et lorsque le tumulte s'éteignit, il ne restait que quelques survivants, gravement blessés. Keiji était de ceux-là. Il emporta le corps de Kunamori dans sa chambre. Et il n'en sortit plus jamais.

Depuis 286 ans, Keiji n'a jamais quitté la position qu'il occupait à ce moment fatidique. Il est agenouillé dans sa chambre, la main serrée sur l'arme qu'il s'apprêtait à dégainer. Il est pleinement conscient, capable de parler, mais il y a plus de deux siècles et demi qu'il a renoncé à effectuer le moindre geste, le Shoryo drainant sa volonté lorsqu'il essaie de le faire. Le spectre de Kunamori est toujours présent dans la chambre, vigilant. Et il intervient si quelqu'un tente de toucher l'un des corps : le sien qui est toujours sur sa natte, à l'état de squelette ou celui de Keiji.

Depuis la bataille, les clans se sont reformés, et les raisons de la haine qui les a opposés se sont perdues dans la nuit des temps. Les Suko ne savent rien de l'histoire qui est à l'origine de leur conflit. Pas plus que les Gengi, dont seuls les Sensei de l'école se transmettent le secret de l'existence d'un des fondateurs du clan, encore vivant depuis près de trois siècles. Ils-sont persuadés qu'ils pourront le consulter si une situation vraiment extraordinaire se produit. Il ne subsiste rien de l'antique unique village, autrefois situé au bord de la rivière. Il y a maintenant deux petits villages à la place, chacun appartenant à un clan, comme les écoles, qui ont perdu leur vocation première d'enseignement, et les champs, jalousement préservés de l'intrusion des autres.

Revenu chez lui, Keiji installa le corps de son « rival » sur une natte et se prépara à le rejoindre dans la mort pour expier son crime qui lui était enfin apparu comme tel. Mais à l'ultime moment, il vit une forme blafarde jaillir du cadavre de Kunamori, et il entendit une voix sépulcrale lui dire : « Tu as perdu le droit à la mort, telle sera ma vengeance ». Keiji, toute volonté anéantie, ne put jamais achever son geste.

INTRODUCTION POUR LES JOUEURS

Afin de ne pas rompre l'harmonie de sa campagne, le Maître de jeu devra déterminer les raisons qui poussent les personnages-joueurs à se rendre dans la vallée retirée. Voici plusieurs suggestions à ce propos ; il existe certainement d'autres possibilités :

  • S'ils sont au service d'un seigneur, les personnages-joueurs peuvent recevoir la mission de s'informer de la situation de cette vallée écartée, sur le territoire seigneurial. Ils pourraient alors avoir tout intérêt à résoudre le problème eux-mêmes de façon à en obtenir une juste. récompense.

  • Au service d'un seigneur voisin, ils pourraient avoir pour mission de s'informer sur les ressources de la vallée. S'ils résolvent eux-mêmes le problème, il est possible de rallier cette vallée à leur Seigneur.

  • Ils pourraient également avoir la curiosité de visiter l'endroit où est né le légendaire Keiji Gengi. Notons que cette solution oblige à faire état de l'existence Passée du jeune guerrier, le plus grand « surdoué » des temps anciens, qui a mystérieusement disparu à l'âge de quinze ans (les légendes exagèrent toujours!) après être devenu Sensei de la plus grande des Écoles Martiales de tous les temps (quand je vous dis qu 'elles exagèrent ... )

Il est aussi possible de rencontrer un ou plusieurs habitants de l'un de ces villages, venu(s) en ville pour effectuer des achats particuliers. Quelques détails dans la conversation pourraient éveiller l'attention de personnages-joueurs (solution à n'utiliser qu'en dernier recours).

Note pour le Maître de jeu Les caractéristiques chiffrées ne figurent que pour les personnalités, aussi ce scénario est-il susceptible d'accueillir des personnages-joueurs de tous niveaux. Il suffit alors que le Maître de jeu adapte les personnages non-joueurs aux capacités de ses personnages-joueurs, en cas de conflit (ce qui peut être évité avec la majorité de la population).

LES PERSONNALITÉS

KEIJI GENGI

Dans les faits, Keiji Gengi est âgé de 313 ans. Dans les meilleures conditions de vie possible, il n'aurait pas pu survivre à sa 93e année.

Il avait 27 ans lorsqu'il a pu effectuer son dernier geste. Depuis, il est figé dans l'attitude rituelle du Seppuku. Pendant les 66 premières années de son châtiment, Keiji n'a eu besoin d'aucune nourriture, ni d'eau, ni d'air. Son corps a vieilli de façon quasi normale. Il y a 210 ans, il a vécu sa mort, l'instant où son corps a cessé de vivre sa vie « normale ». Par un immense effort, il est parvenu à préserver quelques tout petits instants de vie. Ces quelques secondes constituent son seul véritable trésor, ce sont celles qui lui permettront d'achever son suicide expiatoire si le spectre de Kunamori le lui permet un jour.

Depuis la « mort » de son corps, il a perdu l'usage de la parole, mais il a encore la possibilité de faire entendre quelques mots. Il ne réalisera ce prodige qu'au prix de quelques uns des précieux instants de vie qu'il a préservés. Il a maintenant l'apparence d'un vieillard à la peau incroyablement diaphane, quasi transparente, comme le sont ses cheveux. Il est pleinement conscient.

  • De ses attributs initiaux, on ne peut plus considérer que son Intelligence (42) et sa Volonté (6). Il a développé son Intelligence au-delà de ce qui est imaginable, mais sa volonté a été minée au fil des ans par les attaques du Shoryo de Kunamori, et elle ne représente plus guère que les six secondes de vie qu'il a préservées. Sa « mort » physique a causé la disparition de toutes ses compétences physiques ; en particulier le Iaijutsu, le Kenjutsu, l'Atemijutsu, le jujutsu, le Karumijutsu et le Kyujutsu, qu'il avait totalement maîtrisés, ainsi que son Ki (12). On notera accessoirement qu'il dispose de 19 points de Karma (pour le cas où le Maître de jeu souhaiterait prolonger cette histoire.

 

  • Pendant les dernières années de sa "vie" physique, il a pu dicter son histoire à l'un de ses descendants. Le Shoryo ne permettra pas qu'on en prenne connaissance tant qu'il sera en mesure de l'interdire. Trois des documents fournis peuvent être considérés comme des Torimono ou Rouleaux d'enseignement (Page 10, Livret 1) et l'un d'eux permet l'étude d'un Okuden inconnu de Jujutsu (voir plus loin).

  • Si les personnages-joueurs tentent de vaincre le Shoryo et en viennent au combat physique, Keiji remarquera vite son invulnérabilité. Il est alors possible qu'il intervienne. Dans ce cas, il se manifestera par deux mots tout au plus et tentera de faire comprendre aux personnages-joueurs que son Katana (une lame Maîtresse) peut les aider. Son intervention peut se produire pour deux raisons : soit parce qu'il aura une réaction très favorable aux personnages-joueurs, soit parce que leur attitude ne laissera aucun doute sur leur volonté de détruire le spectre et de procéder au rite Segaki sur le corps de Kunamori (et éventuellement sur le sien).

  • Si les personnages-joueurs parviennent à le débarrasser du Shoryo, sa seule énergie tendra vers son Seppuku, qu'il accomplira à une vitesse foudroyante.

KUNAMORI SUKO Shoryo (Livret 2, page 26). Les siècles n'ont en rien entamé la rage qui anime le spectre de Kunamori. Face à la trahison du fils de son ami, il s'est engagé dans cette vengeance et il n'est pas d'argument qui puisse l'en dissuader. Il n'intervient sur d'éventuels visiteurs que si l'un d'entre eux tente de toucher ce qui

reste de son corps (un squelette étendu sur une natte derrière un paravent) ou si quelqu'un entame un quelconque rituel dans la pièce. Ceux qui, dans le passé, ont tenté d'intervenir en faveur de Keiji (en tentant de le tuer quand il « vivait » encore, puis en préparant des exorcismes) ont subi l'attaque du Shoryo, qui a drainé leur volonté. Face à des esprits plus forts, il a parfois été forcé d'intervenir physiquement (par étranglement). On peut donc supposer qu'il agira toujours de même, tentant d'abord e contrôler l'indésirable (pour le forcer à quitter l'endroit), puis l'attaquant physiquement si la première tactique ne réussit pas. Il connaît la limite de son invulnérabilité (la lame Maîtresse du Katana de Keiji), mais il sait qu'aucun membre du clan Gengi n'osera jamais y porter la main. Il y a une quinzaine d'années, la plus jeune sœur de Yoshio Gengi, le Sensei actuel, a tenté d'agir. Le Shoryo a drainé toute sa jeune volonté et, désormais, il la contrôle, se bornant à lui interdire de suivre sa vocation de Gakusho.

Le Shoryo de Kunamori (Rang d'Esprit : 7) n'est vulnérable qu'au Katana de Keiji (la lame qui aurait dû le tuer, il y a quelque 286 ans) qui lui inflige le maximum de Dommages plus tous les Bonus. Un attaquant qui utiliserait une autre arme subirait en dommages « subjugaux » le plein effet de sa propre attaque (les attaques de ce genre sont « transférées » sur le corps de l'attaquant) î Il est possible de converser avec le spectre, mais il n'acceptera de répondre que si l'interlocuteur est accompagné d'un membre de la famille Suko (Kamatari) se présentant volontairement. S'il accepte de parier, il avouera ses motivations mais ne renoncera pas à sa vengeance.

Deux personnages seulement connaissent sa présence ; il s'agit de Yoshio (qui en a reçu le secret de son père) et de Iko (qui ne le dévoilera à aucun prix, tels sont les ordres du spectre)

YOSHIO GENGI
Yoshio Gengi
est un Bushi (le Maître de jeu définira son niveau et ses compétences de façon qu'il soit juste supérieur à celui de ses personnagesjoueurs) ; il est le chef du clan Gengi. Des antiques techniques de la famille Gengi, il ne reste pas grand chose et, à l'âge de 41 ans, Yoshio tente comme ses prédécesseurs de retrouver les secrets qui firent jadis la fortune de sa famille et la renommée de son école. Son père lui a révélé le secret de la présence de Keiji et du spectre qui le hante depuis des siècles quoique les raisons en soient totalement ignorées. Ce secret familial se transmet ainsi de génération en génération et seuls les aînés le connaissent. Vis-à-vis d'un étranger, l'attitude générale de Yoshio est courtoise (pour peu que l'étranger ne soit pas convaincu d'intelligence avec le clan Suko). Il déplore la situation qui règne dans la vallée, mais il est fermement convaincu qu'aucun rapprochement n'est possible d'autant que, comme tout le monde, il ignore totalement les raisons qui ont engendré cette inimitié.

KAMATARI SUKO Clef du clan Suko, Kamatari est un Bushi (niveau 1).
 Il est veuf depuis plusieurs années mais, heureusement, père d'un garçon de sept ans. L'école n'existe que par tradition et la motivation, dans le domaine de l'étude, est totalement absente. A la haine héréditaire, la génération actuelle a ajouté une certaine jalousie envers les Gengi et beaucoup des bagarres qui se produisent encore sont à mettre à son compte. Kamatari ignore tout de l'origine de cette haine, et la tradition  familiale n'a conservé qu'un très vague souvenir d'une époque où les deux familles s'entendaient. Cette époque est associée à la disparition d'un ancêtre dont on n'a retrouvé aucune trace. Sa principale crainte est un affrontement ouvert des deux clans : les Suko sont numériquement supérieurs, mais les Gengi disposent d'une technique de combat beaucoup plus élaborée. Soucieux de l'intérêt de sa famille, Kamatari pourrait être sensible à l'action d'un « médiateur » entre les deux clans. Mais il faudrait que les arguments de ce médiateur soient extrêmement solides. Devant des étrangers, son attitude est courtoise et curieuse. Mais elle deviendra vite agressive si ces mêmes étrangers semblent s'allier aux Gengi. Dans ce cas, il pourrait même déclencher une. attaque pour tuer les visiteurs indésirables.

IKO GENGI Sœur cadette de Yoshio, Iko se destinait à la profession de Gakusho. Mais sa curiosité lui fit découvrir la chambre de Keiji et, voyant les vêtements du squelette, elle entrevit une toute petite partie de l'histoire. Puis elle commit l'erreur de toucher au squelette, et eut à subir les assauts mentaux du Shoryo. Sa volonté terrassée, elle succomba au contrôle du Shoryo. Celui-ci lui intima l'ordre de ne jamais révéler le contenu de la chambre, et lui interdit de suivre sa vocation (trop dangereuse pour lui). Et Iko met tant d'acharnement à ne pas parler de cette chambre qu'un interlocuteur perspicace pourrait s'en étonner. Elle risque la folie (JdP Volonté : 6) si le spectre est tué ou exorcisé (elle ne pourra alors être guérie que par la magie). Elle dispose d'aucune compétence des gakusho, compte tenu de la brusque interruption de sa « carrière ».

LES VILLAGES -

Les deux villages sont situées de part et d'autre de la rivière. Le village Suko se trouve à l'ouest. Chacun d'eux est entouré d'une palissade robuste mais assez ancienne. On remarque rapidement que tous deux sont bâtis sur le même modèle. L'ancienneté des bâtiments est assez variée. Il semble que l'on ait agrandi les deux villages au fil des ans, mais un examen attentif montre que chacun l'a été dans la même proportion, à des époques identiques. La population globale peut être estimée à 300 personnes, mais le village situé à l'est est sensiblement plus peuplé. Chaque village possède ses propres champs. Ceux des Suko sont situés au nord, ceux des Gengi, au sud. La rivière est barrée par deux ponts assez proches l'un de l'autre. Les Suko empruntent toujours celui du nord, et les Gengi, celui du sud. Les chemins sont également séparés et passent à bonne distance des villages. Il serait possible aux deux clans de ne jamais se rencontrer, et c'est ce qui se produit généralement, mais...

Quand les personnages-joueurs arriveront dans la vallée, ils auront la possibilité de faire une première étape, soit à l'est, soit l'ouest de la rivière. Quel que soit leur choix, ils seront fort bien accueillis, par des villageois curieux de savoir ce qui se passe ailleurs et enchantés de pouvoir engager la conversation si les statuts respectifs le permettent ou si l'attitude des étrangers les y encouragent. Si le choix des PJ s'est porté sur le village de l'est, il est même possible qu'on leur propose d'occuper temporairement une des maisons inhabitées du village (chez les Suko, cette possibilité n'existe pas).

Mais dès qu'ils se seront présentés dans l'un des villages, la nouvelle sera connue de l'autre, et le clan qui n'aura pas l'honneur de leur visite va tout mettre en oeuvre pour connaître les intentions de ces visiteurs, leur force, leur moralité, etc. Les personnages-joueurs vont donc être espionnés par des gens qui ne sont guère entraînés à cet art difficile (des enfants, des paysans, au mieux un Budoka ou un Bushi de faible niveau). Ces espions en herbe n'échapperont certainement pas au regard des personnages-joueurs, si par .bonheur ils parviennent à tromper les habitants du village où ils opèrent. Un espion surpris par les villageois ou dénoncé par un personnage-joueur sera puni selon son rang : les enfants par des enfants, les paysans par leurs homologues, etc....Mais les espions découverts ne seront ni mutilés, ni tués, mais certainement humiliés et contusionnés : si l'affaire concerne des combattants, tout sera fait dans les règles. Éventuellement, on dissuadera les personnages-joueurs de se mêler de ces affaires.

Très vite, l'antagonisme entre les deux villages apparaîtra à un visiteur attentif. S'il n'y prend pas garde, il sera rapidement soupçonné de prendre parti pour l'un ou l'autre, et s'il décide de s'intéresser au problème, sa tâche pourrait en être rendue plus difficile. Si les « espions » ne sont pas repérés, (à la discrétion du Maître de jeu) les personnages-joueurs pourront de toute façon assister à des affrontements dont ils s'apercevront vite qu'ils sont la cause. De la même manière, ils ne manqueront pas de s'entendre exposer tous les vices des habitants du village situé de l'autre côté de la rivière.

Note pour le Maître de jeu :

On peut imaginer tous les griefs possibles, depuis le bol de riz volé il y a cinquante ans jusqu'aux tares congénitales. Bien entendu, chacun donnera des raisons différentes, ce qui peut donner lieu à des discussions pittoresques et animées seule la bonne raison n'apparaît jamais puisque personne ne la connaît. Et d'ailleurs, personne dans les villages n'y croirait ; elle est trop folle 1

Chaque village vit sous la tutelle du chef de son clan, et les visiteurs seront vite invités à se présenter à lui.

L'ÉCOLE SUKO

Il n'y a qu'une douzaine de personnes qui habitent dans ce qui fut, autrefois, la célèbre école Suko. L'entretien est toujours assuré avec le plus grand zèle, mais il est visible que l'établissement n'est pas aussi occupé et actif qu'il devrait l'être. Kamatari partage la résidence principale (7, 8 et 9) avec sa mère et son fils. Deux, couples de proche parenté occupent l'ancien quartier des instructeurs (4) et l'ancienne armurerie (5), maintenant désaffectée. L'installation accueille encore cinq autres personnes, qui logent dans les quartiers des élèves (3). Il s'agit des meilleurs Bushi et Budoka du clan, qui poursuivent leur entraînement.

Les aires de combat (1) et de Kyujutsu (2) sont visiblement sous-exploitées. La salle d'apparat (6) contient l'es « reliques » de la splendeur passée de l'école, ainsi que les emblèmes anciens et actuels. C'est dans cette pièce que Kamatari reçoit d'éventuels visiteurs de marque (des étrangers honorables sont toujours des visiteurs de marque).

Les visiteurs seront reçus dans les formes qu'imposent leurs statuts, et cela même si on les soupçonne d'intelligence avec les Gengi. En revanche, s'ils ont pris ouvertement parti pour le clan adverse, les Suko engageront une bataille contre eux, et ils attaqueront en nombre (nombre de personnages-joueurs multiplié par 3) avec leurs meilleurs éléments. Mais ils ne le feront que dans un endroit écarté du territoire des Gengi, et jamais si cela risque de dégénérer en un conflit ouvert avec leurs rivaux.

L'ÉCOLE DE GENGI

L'accueil, dans l'école Gengi, sera tout aussi correct, mais moins formel si le statut des visiteurs ne l'impose pas. 'Dans le clan Gengi' on montrera un vif intérêt pour les arts de combat et des Pj artistes dans ces domaines seront invités à montrer courtoisement leurs talents, ce qui pourrait avoir lieu, cérémonieusement, sur l'aire de combat (7).

Yoshio réside au cœur de la maison (1 et 2) avec son épouse, ses deux filles et sa sœur, Iko. L'école accueille quatorze étudiants (tous issus du clan) qui ont installé leurs quartiers dans la grande salle (5). Il n'y a pas de salle de réception, mais le hall (4) en tient lieu par la qualité de sa décoration, sobre mais impressionnante. Cette salle contient tous les symboles du prestige de l'école, et elle continue à inspirer le respect. Les quartiers des étudiants (6) sont inoccupés, mais maintenus dans un état parfait. Le jardin (8) est une véritable oeuvre d'art, soigneusement entretenue. Tous savent qu'il existe une pièce interdite où personne n'entre jamais, mais les rumeurs les plus folles circulent... Certains peuvent même laisser entendre que cette pièce serait hantée par un spectre... Mais seul un combat d'entraînement particulièrement spectaculaire pourrait attirer assez de sympathie chez les étudiants pour que cela donne lieu à ce genre de confidences. De telles discussions peuvent se produire soit dans l'école (en dehors de la présence du Sensei), soit dans le village (en privé).

La Chambre de Keiji (3) : Yoshio ne mentionnera pas volontairement l'existence de cette chambre, et seuls les trois adultes de sa proche famille savent ce qu'elle contient (Iko n'en parlera jamais).

Il répondra évasivement à d'éventuelles questions sur la nature de cette pièce et jamais il n'invitera un étranger à s'y introduire ; au contraire, il en défendra farouchement l'accès à des curieux illégitimes. Si un Gakusho parvient à inspirer son estime, il pourra entamer une discussion d'ordre très général, au sujet des exorcismes et des spectres. Mais il faudrait qu'il soit extrêmement confiant pour solliciter de l'aide de la part d'un prêtre (il n'a jamais vu le spectre, pas plus que le squelette).

La chambre de Keiji comportait autrefois deux fenêtres sur les façades nord et est de la maison. Elles ont été murées, il y a bien longtemps, mais les volets de bois sont restés en place et cachent le mur. La pièce est plongée dans l'obscurité. Un paravent dissimule la partie nord de la pièce. Presque au centre, on découvre le corps de Keiji. Il est agenouillé devant ses deux armes et sa main droite est refermée sur la poignée de son Wakizashi. Il est totalement figé. Il paraît extrêmement vieux, mais son épiderme semble encore plus âgé que son apparence générale ne le laisse penser ; ses yeux sont ouverts (il voit mais ne peut modifier son champ de vision), mais on serait incapable de dire s'il est vivant ou non. Des rouleaux de papier sont posés à côtés de lui. Quelques armes de belle qualité sont accrochées sur le mur sud, et il n'y a rien d'autre dans la pièce. Derrière le paravent, un squelette est étendu sur une natte. Les vêtements qui l'entourent sont d'une facture très ancienne. Apparemment, il s'agit d'une tenue de cérémonie et ils portent l'emblème et les couleurs des Suko. Que l'on tente de s'en approcher trop, ou d'entamer un rituel, et le Shoryo apparaît et agit comme indiqué précédemment. Un rituel ou une incantation destinée à Keiji aura le même effet, tout comme la prise des parchemins.

RÉCOMPENSE

Quelle que soit la motivation des personnages-joueurs, il est évident que cette aventure ne sera considérée comme réussie que s'ils parviennent à rétablir une voie d'entente entre les deux clans. Que ce soit en exposant la situation, preuve à l'appui, ou en détruisant le Shoryo (solution bien meilleure). Mais il faut se souvenir que la destruction du spectre risque de provoquer la folie de Iko.

La seule récompense « matérielle » que les personnages-joueurs peuvent espérer est le cadeau de l'un des Torimono (Étude d'un Okuden de Jujutsu qui permet à l'attaquant d'ignorer les effets défavorables de la compétence en Jujutsu d'un adversaire (Livret 1, page 12) et d'éventuels enseignements gratuits. Le Katana de Keiji doit rester dans le clan. Les rouleaux qui se trouvent près de lui contiennent son histoire et aussi un héritage substantiel qu'il lègue aux deux clans : il s'agit des bases d'un nouveau Bugei, issu de plusieurs autres techniques, et qui s'avère strictement inconnu. (Il ne peut être développé que par le travail d'un Maître en Kenjutsu, Atemijutsu et Jujutsu, car il s'agit d'une fusion de ces trois techniques.) Ces documents sont destinés aux Sensei des deux écoles.


Auteur : Michel Serrat

Mise en page : Gilles Demonte

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