Quelque
part à l'écart des routes, il existe une minuscule vallée d'un accès
difficile et si démunie de ressources qu'elle n'intéresse pratiquement
personne. Les visiteurs y sont rares depuis que les marchands ont
jugé que les affaires qu'ils pouvaient y conclure ne rembourseraient
pas leurs frais de voyage. Sur la plan politique, l'intérêt de la
vallée est faible, et il s'avère qu'avant de pouvoir en prendre le
contrôle, il faudrait réunir les habitants sous une même bannière,
ce qui dans la situation actuelle est inenvisageable. Pour parvenir
à cette vallée, il faut parcourir une dizaine de RI sur un chemin
sommaire, à travers les montagnes. Au premier regard, la vallée apparaît
comme une petite enclave au milieu des montagnes. Encaissée de toutes
parts, elles s'étend autour de la résurgence d'une rivière souterraine
assez importante. Elle comprend une partie boisée, au nord, et quelques
parcelles d'une terre pauvre mais cultivables. A distance, on remarque
que le centre de la vallée (d'environ 1 RI de large) est occupé par
un village. Un examen attentif laisse entrevoir deux bâtiments relativement
importants, installés à l'Est et à l'Ouest, sur les deux seules hauteurs
que comporte la vallée, en dehors des cimes montagneuses qui l'entourent.
En ce qui concerne le village, on finira par s'apercevoir qu'il ne
s'agit pas d'un seul village, mais de deux groupements d'habitations
distincts, situés de part et d'autre de la rivière et entourés de
palissades.
L'HISTOIRE : Il y a un peu plus de trois siècles, la
vallée était occupée par deux familles (Gengi et Suko) dont les activités
traditionnelles étaient l'enseignement des Bugei. Le village fut construit
près de la rivière pendant que l'on bâtissait les deux écoles sur les
hauteurs. Les élèves venaient de tous horizons, attirés par l'excellente
réputation des maîtres. Le village et ses champs subvenaient aux besoins des
habitants de la vallée, qui prospérait pendant que les écoles acquéraient
une notoriété de plus en plus importante.
Il en fut ainsi jusqu'à la mort de Jigoro Gengi à l'âge de
53 ans (il y a 291 ans). Jigoro Gengi (Bushi de 6ème niveau) avait un fils : Keiji,
qui était destiné à assurer sa succession. Lorsque la fièvre emporta
Jigoro Gengi, le jeune Keiji avait 22 ans (et était déjà Bushi de 5ème
niveau). Il devint le nouveau Sensei de l'École Gengi. Il avait gagné son
premier combat à l'âge de 12 ans et n'avait cessé, depuis, d'accroître sa
popularité et sa maîtrise des Bugeï. Lorsqu'il devint Sensei, il comptait déjà
parmi les figures légendaires du Nippon ancien. Mais son incroyable don pour
les arts de combat s'accompagnait d'une ambition démesurée dont ses aînés
n'avaient pas connaissance.
En peu de temps, la famille Gengi devint le Clan Gengi, fort
déjà d'une bonne partie de la population de la vallée. Cinq ans après la
mort de son père, Keiji Gengi visait le contrôle de la vallée et se
préparait à supplanter la famille Suko, en guise d'ultime répétition,
avant de se tourner vers des conquêtes plus grandioses. Lorsqu'il en vint à
défier la famille Suko, Keiji se retrouva face à Kunamori, le Sensei de
l'école Suko, un homme d'un âge respectable qui avait été un des meilleurs
amis de son père. Kunamori avait lui aussi un fils, mais plus jeune et moins
doué que Keiji. Après que Keiji eut lance le défi (un duel de Iaijutsu), il
devint évident que Kunamori, trop âgé, n'avait aucune chance de vaincre (ni
même de survivre). Son fils se devait donc de relever le défi tout en
sachant qu'il courait lui aussi à une mort certaine. Pour sauver la vie de
son fils en lui évitant le duel, Kunamori eut recours au Seppuku. La légende
raconte que lorsqu'il s'infligea la troisième entaille rituelle devant son
jeune ennemi qui voyait ses espoirs s'envoler sous le poids de la honte, son
regard était chargé d'une telle haine que Keiji en fut profondément
affecté.
:C'est à ce moment que débuta la plus sanglante bataille que
la vallée ait jamais connue. Cela dura des jours entiers, et lorsque le
tumulte s'éteignit, il ne restait que quelques survivants, gravement
blessés. Keiji était de ceux-là. Il emporta le corps de Kunamori dans sa
chambre. Et il n'en sortit plus jamais.

Depuis 286 ans, Keiji n'a jamais quitté la position qu'il
occupait à ce moment fatidique. Il est agenouillé dans sa chambre, la main
serrée sur l'arme qu'il s'apprêtait à dégainer. Il est pleinement
conscient, capable de parler, mais il y a plus de deux siècles et demi qu'il
a renoncé à effectuer le moindre geste, le Shoryo drainant sa volonté
lorsqu'il essaie de le faire. Le spectre de Kunamori est toujours présent
dans la chambre, vigilant. Et il intervient si quelqu'un tente de toucher l'un
des corps : le sien qui est toujours sur sa natte, à l'état de squelette ou
celui de Keiji.
Depuis la bataille, les clans se sont reformés, et les
raisons de la haine qui les a opposés se sont perdues dans la nuit des temps.
Les Suko ne savent rien de l'histoire qui est à l'origine de leur conflit.
Pas plus que les Gengi, dont seuls les Sensei de l'école se transmettent le
secret de l'existence d'un des fondateurs du clan, encore vivant depuis près
de trois siècles. Ils-sont persuadés qu'ils pourront le consulter si une
situation vraiment extraordinaire se produit. Il ne subsiste rien de l'antique
unique village, autrefois situé au bord de la rivière. Il y a maintenant
deux petits villages à la place, chacun appartenant à un clan, comme les
écoles, qui ont perdu leur vocation première d'enseignement, et les champs,
jalousement préservés de l'intrusion des autres.
Revenu chez lui, Keiji installa le corps de son « rival »
sur une natte et se prépara à le rejoindre dans la mort pour expier son
crime qui lui était enfin apparu comme tel. Mais à l'ultime moment, il vit
une forme blafarde jaillir du cadavre de Kunamori, et il entendit une voix
sépulcrale lui dire : « Tu as perdu le droit à la mort, telle sera ma
vengeance ». Keiji, toute volonté anéantie, ne put jamais achever son
geste.
INTRODUCTION
POUR LES JOUEURS
Afin de ne pas rompre l'harmonie de sa campagne, le Maître de
jeu devra déterminer les raisons qui poussent les personnages-joueurs à se
rendre dans la vallée retirée. Voici plusieurs suggestions à ce propos ; il
existe certainement d'autres possibilités :
-
S'ils sont au service d'un seigneur, les
personnages-joueurs peuvent recevoir la mission de s'informer de la
situation de cette vallée écartée, sur le territoire seigneurial. Ils
pourraient alors avoir tout intérêt à résoudre le problème eux-mêmes
de façon à en obtenir une juste. récompense.
-
Au service d'un seigneur voisin, ils pourraient avoir pour
mission de s'informer sur les ressources de la vallée. S'ils résolvent
eux-mêmes le problème, il est possible de rallier cette vallée à leur
Seigneur.
-
Ils pourraient également avoir la curiosité de visiter
l'endroit où est né le légendaire Keiji Gengi. Notons que cette
solution oblige à faire état de l'existence Passée du jeune guerrier,
le plus grand « surdoué » des temps anciens, qui a mystérieusement
disparu à l'âge de quinze ans (les légendes exagèrent toujours!) après
être devenu Sensei de la plus grande des Écoles Martiales de tous les
temps (quand je vous dis qu 'elles exagèrent ... )
Il est aussi possible de rencontrer un ou plusieurs habitants
de l'un de ces villages, venu(s) en ville pour effectuer des achats
particuliers. Quelques détails dans la conversation pourraient éveiller
l'attention de personnages-joueurs (solution à n'utiliser qu'en dernier
recours).
Note pour le Maître de jeu Les caractéristiques chiffrées
ne figurent que pour les personnalités, aussi ce scénario est-il susceptible
d'accueillir des personnages-joueurs de tous niveaux. Il suffit alors que le
Maître de jeu adapte les personnages non-joueurs aux capacités de ses
personnages-joueurs, en cas de conflit (ce qui peut être évité avec la
majorité de la population).
LES PERSONNALITÉS
KEIJI GENGI
Dans les faits, Keiji Gengi est âgé de 313 ans. Dans les
meilleures conditions de vie possible, il n'aurait pas pu survivre à sa 93e année.
Il avait 27 ans lorsqu'il a pu effectuer son dernier geste.
Depuis, il est figé dans l'attitude rituelle du Seppuku. Pendant les 66
premières années de son châtiment, Keiji n'a eu besoin d'aucune nourriture,
ni d'eau, ni d'air. Son corps a vieilli de façon quasi normale. Il y a 210
ans, il a vécu sa mort, l'instant où son corps a cessé de vivre sa vie «
normale ». Par un immense effort, il est parvenu à préserver quelques tout
petits instants de vie. Ces quelques secondes constituent son seul véritable
trésor, ce sont celles qui lui permettront d'achever son suicide expiatoire
si le spectre de Kunamori le lui permet un jour.
Depuis la « mort » de son corps, il a perdu l'usage de la
parole, mais il a encore la possibilité de faire entendre quelques mots. Il
ne réalisera ce prodige qu'au prix de quelques uns des précieux instants de
vie qu'il a préservés. Il a maintenant l'apparence d'un vieillard à la peau
incroyablement diaphane, quasi transparente, comme le sont ses cheveux. Il est
pleinement conscient.
-
De ses attributs initiaux, on ne peut plus considérer que
son Intelligence (42) et sa Volonté (6). Il a développé son
Intelligence au-delà de ce qui est imaginable, mais sa volonté a été
minée au fil des ans par les attaques du Shoryo de Kunamori, et elle ne
représente plus guère que les six secondes de vie qu'il a préservées.
Sa « mort » physique a causé la disparition de toutes ses compétences
physiques ; en particulier le Iaijutsu, le Kenjutsu, l'Atemijutsu, le jujutsu,
le Karumijutsu et le Kyujutsu, qu'il avait totalement maîtrisés, ainsi
que son Ki (12). On notera accessoirement qu'il dispose de 19 points de
Karma (pour le cas où le Maître de jeu souhaiterait prolonger cette
histoire.

-
Pendant les dernières années de sa "vie"
physique, il a pu dicter son histoire à l'un de ses descendants. Le
Shoryo ne permettra pas qu'on en prenne connaissance tant qu'il sera en
mesure de l'interdire. Trois des documents fournis peuvent être
considérés comme des Torimono ou Rouleaux d'enseignement (Page 10,
Livret 1) et l'un d'eux permet l'étude d'un Okuden inconnu de Jujutsu
(voir plus loin).
-
Si les personnages-joueurs tentent de vaincre le Shoryo et
en viennent au combat physique, Keiji remarquera vite son
invulnérabilité. Il est alors possible qu'il intervienne. Dans ce cas,
il se manifestera par deux mots tout au plus et tentera de faire
comprendre aux personnages-joueurs que son Katana (une lame Maîtresse)
peut les aider. Son intervention peut se produire pour deux raisons : soit
parce qu'il aura une réaction très favorable aux personnages-joueurs,
soit parce que leur attitude ne laissera aucun doute sur leur volonté de
détruire le spectre et de procéder au rite Segaki sur le corps de
Kunamori (et éventuellement sur le sien).
-
Si les personnages-joueurs parviennent à le débarrasser
du Shoryo, sa seule énergie tendra vers son Seppuku, qu'il accomplira à
une vitesse foudroyante.

KUNAMORI SUKO Shoryo (Livret 2, page 26).
Les siècles n'ont en rien entamé la rage qui anime le spectre de Kunamori.
Face à la trahison du fils de son ami, il s'est engagé dans cette vengeance
et il n'est pas d'argument qui puisse l'en dissuader. Il n'intervient sur
d'éventuels visiteurs que si l'un d'entre eux tente de toucher ce qui
reste de son corps (un squelette étendu sur une natte
derrière un paravent) ou si quelqu'un entame un quelconque rituel dans la
pièce. Ceux qui, dans le passé, ont tenté d'intervenir en faveur de Keiji
(en tentant de le tuer quand il « vivait » encore, puis en préparant des
exorcismes) ont subi l'attaque du Shoryo, qui a drainé leur volonté. Face à
des esprits plus forts, il a parfois été forcé d'intervenir physiquement
(par étranglement). On peut donc supposer qu'il agira toujours de même,
tentant d'abord e contrôler l'indésirable (pour le forcer à quitter
l'endroit), puis l'attaquant physiquement si la première tactique ne réussit
pas. Il connaît la limite de son invulnérabilité (la lame Maîtresse du Katana
de Keiji), mais il sait qu'aucun membre du clan Gengi n'osera jamais y porter
la main. Il y a une quinzaine d'années, la plus jeune sœur de Yoshio Gengi,
le Sensei actuel, a tenté d'agir. Le Shoryo a drainé toute sa jeune volonté
et, désormais, il la contrôle, se bornant à lui interdire de suivre sa
vocation de Gakusho.
Le Shoryo de Kunamori (Rang d'Esprit : 7) n'est vulnérable
qu'au Katana de Keiji (la lame qui aurait dû le tuer, il y a quelque 286 ans)
qui lui inflige le maximum de Dommages plus tous les Bonus. Un attaquant qui
utiliserait une autre arme subirait en dommages « subjugaux » le plein effet
de sa propre attaque (les attaques de ce genre sont « transférées » sur le
corps de l'attaquant) î Il est possible de converser avec le spectre, mais il
n'acceptera de répondre que si l'interlocuteur est accompagné d'un membre de
la famille Suko (Kamatari) se présentant volontairement. S'il accepte de
parier, il avouera ses motivations mais ne renoncera pas à sa vengeance.
Deux personnages seulement connaissent sa présence ; il
s'agit de Yoshio (qui en a reçu le secret de son père) et de Iko (qui ne le
dévoilera à aucun prix, tels sont les ordres du spectre)

YOSHIO GENGI
Yoshio Gengi est un Bushi (le Maître de jeu définira son niveau et ses
compétences de façon qu'il soit juste supérieur à celui de ses
personnagesjoueurs) ; il est le chef du clan Gengi. Des antiques techniques de
la famille Gengi, il ne reste pas grand chose et, à l'âge de 41 ans, Yoshio
tente comme ses prédécesseurs de retrouver les secrets qui firent jadis la
fortune de sa famille et la renommée de son école. Son père lui a révélé
le secret de la présence de Keiji et du spectre qui le hante depuis des
siècles quoique les raisons en soient totalement ignorées. Ce secret
familial se transmet ainsi de génération en génération et seuls les
aînés le connaissent. Vis-à-vis d'un étranger, l'attitude générale de
Yoshio est courtoise (pour peu que l'étranger ne soit pas convaincu
d'intelligence avec le clan Suko). Il déplore la situation qui règne dans la
vallée, mais il est fermement convaincu qu'aucun rapprochement n'est possible
d'autant que, comme tout le monde, il ignore totalement les raisons qui ont
engendré cette inimitié.
KAMATARI SUKO Clef du clan Suko, Kamatari est un Bushi
(niveau 1).
Il est veuf depuis plusieurs années mais, heureusement, père d'un
garçon de sept ans. L'école n'existe que par tradition et la motivation,
dans le domaine de l'étude, est totalement absente. A la haine héréditaire,
la génération actuelle a ajouté une certaine jalousie envers les Gengi et
beaucoup des bagarres qui se produisent encore sont à mettre à son compte.
Kamatari ignore tout de l'origine de cette haine, et la tradition
familiale n'a conservé qu'un très vague souvenir d'une époque où les deux
familles s'entendaient. Cette époque est associée à la disparition d'un
ancêtre dont on n'a retrouvé aucune trace. Sa principale crainte est un
affrontement ouvert des deux clans : les Suko sont numériquement supérieurs,
mais les Gengi disposent d'une technique de combat beaucoup plus élaborée.
Soucieux de l'intérêt de sa famille, Kamatari pourrait être sensible à
l'action d'un « médiateur » entre les deux clans. Mais il faudrait que les
arguments de ce médiateur soient extrêmement solides. Devant des étrangers,
son attitude est courtoise et curieuse. Mais elle deviendra vite agressive si
ces mêmes étrangers semblent s'allier aux Gengi. Dans ce cas, il pourrait
même déclencher une. attaque pour tuer les visiteurs indésirables.
IKO GENGI Sœur cadette de Yoshio, Iko se destinait à
la profession de Gakusho. Mais sa curiosité lui fit découvrir la chambre de Keiji
et, voyant les vêtements du squelette, elle entrevit une toute petite partie
de l'histoire. Puis elle commit l'erreur de toucher au squelette, et eut à
subir les assauts mentaux du Shoryo. Sa volonté terrassée, elle succomba au
contrôle du Shoryo. Celui-ci lui intima l'ordre de ne jamais révéler le
contenu de la chambre, et lui interdit de suivre sa vocation (trop dangereuse
pour lui). Et Iko met tant d'acharnement à ne pas parler de cette chambre
qu'un interlocuteur perspicace pourrait s'en étonner. Elle risque la folie
(JdP Volonté : 6) si le spectre est tué ou exorcisé (elle ne pourra alors
être guérie que par la magie). Elle dispose d'aucune compétence des gakusho,
compte tenu de la brusque interruption de sa « carrière ».


LES VILLAGES -
Les deux villages sont situées de part et d'autre de la
rivière. Le village Suko se trouve à l'ouest. Chacun d'eux est entouré
d'une palissade robuste mais assez ancienne. On remarque rapidement que tous
deux sont bâtis sur le même modèle. L'ancienneté des bâtiments est assez
variée. Il semble que l'on ait agrandi les deux villages au fil des ans, mais
un examen attentif montre que chacun l'a été dans la même proportion, à
des époques identiques. La population globale peut être estimée à 300
personnes, mais le village situé à l'est est sensiblement plus peuplé.
Chaque village possède ses propres champs. Ceux des Suko sont situés au
nord, ceux des Gengi, au sud. La rivière est barrée par deux ponts assez
proches l'un de l'autre. Les Suko empruntent toujours celui du nord, et les
Gengi, celui du sud. Les chemins sont également séparés et passent à bonne
distance des villages. Il serait possible aux deux clans de ne jamais se
rencontrer, et c'est ce qui se produit généralement, mais...
Quand les personnages-joueurs arriveront dans la vallée, ils
auront la possibilité de faire une première étape, soit à l'est, soit l'ouest
de la rivière. Quel que soit leur choix, ils seront fort bien accueillis, par
des villageois curieux de savoir ce qui se passe ailleurs et enchantés de
pouvoir engager la conversation si les statuts respectifs le permettent ou si
l'attitude des étrangers les y encouragent. Si le choix des PJ s'est porté
sur le village de l'est, il est même possible qu'on leur propose d'occuper
temporairement une des maisons inhabitées du village (chez les Suko, cette
possibilité n'existe pas).
Mais dès qu'ils se seront présentés dans l'un des villages,
la nouvelle sera connue de l'autre, et le clan qui n'aura pas l'honneur de
leur visite va tout mettre en oeuvre pour connaître les intentions de ces
visiteurs, leur force, leur moralité, etc. Les personnages-joueurs vont donc
être espionnés par des gens qui ne sont guère entraînés à cet art
difficile (des enfants, des paysans, au mieux un Budoka ou un Bushi de faible
niveau). Ces espions en herbe n'échapperont certainement pas au regard des
personnages-joueurs, si par .bonheur ils parviennent à tromper les habitants
du village où ils opèrent. Un espion surpris par les villageois ou dénoncé
par un personnage-joueur sera puni selon son rang : les enfants par des
enfants, les paysans par leurs homologues, etc....Mais les espions découverts
ne seront ni mutilés, ni tués, mais certainement humiliés et contusionnés
: si l'affaire concerne des combattants, tout sera fait dans les règles. Éventuellement,
on dissuadera les personnages-joueurs de se mêler de ces affaires.
Très vite, l'antagonisme entre les deux villages apparaîtra
à un visiteur attentif. S'il n'y prend pas garde, il sera rapidement
soupçonné de prendre parti pour l'un ou l'autre, et s'il décide de
s'intéresser au problème, sa tâche pourrait en être rendue plus difficile.
Si les « espions » ne sont pas repérés, (à la discrétion du Maître de
jeu) les personnages-joueurs pourront de toute façon assister à des
affrontements dont ils s'apercevront vite qu'ils sont la cause. De la même
manière, ils ne manqueront pas de s'entendre exposer tous les vices des
habitants du village situé de l'autre côté de la rivière.
Note pour le Maître de jeu :
On peut imaginer tous les griefs possibles, depuis le bol de
riz volé il y a cinquante ans jusqu'aux tares congénitales. Bien entendu,
chacun donnera des raisons différentes, ce qui peut donner lieu à des
discussions pittoresques et animées seule la bonne raison n'apparaît jamais
puisque personne ne la connaît. Et d'ailleurs, personne dans les villages n'y
croirait ; elle est trop folle 1
Chaque village vit sous la tutelle du chef de son clan, et les
visiteurs seront vite invités à se présenter à lui.
L'ÉCOLE SUKO
Il n'y a qu'une douzaine de personnes qui habitent dans ce qui
fut, autrefois, la célèbre école Suko. L'entretien est toujours assuré
avec le plus grand zèle, mais il est visible que l'établissement n'est pas
aussi occupé et actif qu'il devrait l'être. Kamatari partage la résidence
principale (7, 8 et 9) avec sa mère et son fils. Deux, couples de proche
parenté occupent l'ancien quartier des instructeurs (4) et l'ancienne
armurerie (5), maintenant désaffectée. L'installation accueille encore cinq
autres personnes, qui logent dans les quartiers des élèves (3). Il s'agit
des meilleurs Bushi et Budoka du clan, qui poursuivent leur entraînement.
Les aires de combat (1) et de Kyujutsu (2) sont visiblement
sous-exploitées. La salle d'apparat (6) contient l'es « reliques » de la
splendeur passée de l'école, ainsi que les emblèmes anciens et actuels.
C'est dans cette pièce que Kamatari reçoit d'éventuels visiteurs de marque
(des étrangers honorables sont toujours des visiteurs de marque).
Les visiteurs seront reçus dans les formes qu'imposent leurs
statuts, et cela même si on les soupçonne d'intelligence avec les Gengi. En
revanche, s'ils ont pris ouvertement parti pour le clan adverse, les Suko
engageront une bataille contre eux, et ils attaqueront en nombre (nombre de
personnages-joueurs multiplié par 3) avec leurs meilleurs éléments. Mais
ils ne le feront que dans un endroit écarté du territoire des Gengi, et
jamais si cela risque de dégénérer en un conflit ouvert avec leurs rivaux.
L'ÉCOLE DE GENGI
L'accueil, dans l'école Gengi, sera tout aussi correct, mais
moins formel si le statut des visiteurs ne l'impose pas. 'Dans le clan Gengi'
on montrera un vif intérêt pour les arts de combat et des Pj artistes dans
ces domaines seront invités à montrer courtoisement leurs talents, ce qui
pourrait avoir lieu, cérémonieusement, sur l'aire de combat (7).
Yoshio réside au cœur de la maison (1 et 2) avec son
épouse, ses deux filles et sa sœur, Iko. L'école accueille quatorze
étudiants (tous issus du clan) qui ont installé leurs quartiers dans la grande
salle (5). Il n'y a pas de salle de réception, mais le hall (4) en tient lieu
par la qualité de sa décoration, sobre mais impressionnante. Cette salle
contient tous les symboles du prestige de l'école, et elle continue à
inspirer le respect. Les quartiers des étudiants (6) sont inoccupés, mais
maintenus dans un état parfait. Le jardin (8) est une véritable oeuvre
d'art, soigneusement entretenue. Tous savent qu'il existe une pièce interdite
où personne n'entre jamais, mais les rumeurs les plus folles circulent...
Certains peuvent même laisser entendre que cette pièce serait hantée par un
spectre... Mais seul un combat d'entraînement particulièrement spectaculaire
pourrait attirer assez de sympathie chez les étudiants pour que cela donne
lieu à ce genre de confidences. De telles discussions peuvent se produire
soit dans l'école (en dehors de la présence du Sensei), soit dans le village
(en privé).
La Chambre de Keiji (3) : Yoshio ne mentionnera pas
volontairement l'existence de cette chambre, et seuls les trois adultes de sa
proche famille savent ce qu'elle contient (Iko n'en parlera jamais).
Il répondra évasivement à d'éventuelles questions sur la
nature de cette pièce et jamais il n'invitera un étranger à s'y introduire
; au contraire, il en défendra farouchement l'accès à des curieux
illégitimes. Si un Gakusho parvient à inspirer son estime, il pourra entamer
une discussion d'ordre très général, au sujet des exorcismes et des
spectres. Mais il faudrait qu'il soit extrêmement confiant pour solliciter de
l'aide de la part d'un prêtre (il n'a jamais vu le spectre, pas plus que le
squelette).
La chambre de Keiji comportait autrefois deux fenêtres sur
les façades nord et est de la maison. Elles ont été murées, il y a bien
longtemps, mais les volets de bois sont restés en place et cachent le mur. La
pièce est plongée dans l'obscurité. Un paravent dissimule la partie nord de
la pièce. Presque au centre, on découvre le corps de Keiji. Il est
agenouillé devant ses deux armes et sa main droite est refermée sur la
poignée de son Wakizashi. Il est totalement figé. Il paraît extrêmement
vieux, mais son épiderme semble encore plus âgé que son apparence
générale ne le laisse penser ; ses yeux sont ouverts (il voit mais ne peut
modifier son champ de vision), mais on serait incapable de dire s'il est
vivant ou non. Des rouleaux de papier sont posés à côtés de lui. Quelques
armes de belle qualité sont accrochées sur le mur sud, et il n'y a rien
d'autre dans la pièce. Derrière le paravent, un squelette est étendu sur
une natte. Les vêtements qui l'entourent sont d'une facture très ancienne.
Apparemment, il s'agit d'une tenue de cérémonie et ils portent l'emblème et
les couleurs des Suko. Que l'on tente de s'en approcher trop, ou d'entamer un
rituel, et le Shoryo apparaît et agit comme indiqué précédemment. Un
rituel ou une incantation destinée à Keiji aura le même effet, tout comme
la prise des parchemins.
RÉCOMPENSE
Quelle que soit la motivation des personnages-joueurs, il est
évident que cette aventure ne sera considérée comme réussie que s'ils
parviennent à rétablir une voie d'entente entre les deux clans. Que ce soit
en exposant la situation, preuve à l'appui, ou en détruisant le Shoryo
(solution bien meilleure). Mais il faut se souvenir que la destruction du
spectre risque de provoquer la folie de Iko.
La seule récompense « matérielle » que les
personnages-joueurs peuvent espérer est le cadeau de l'un des Torimono (Étude
d'un Okuden de Jujutsu qui permet à l'attaquant d'ignorer les effets
défavorables de la compétence en Jujutsu d'un adversaire (Livret 1, page 12)
et d'éventuels enseignements gratuits. Le Katana de Keiji doit rester dans le
clan. Les rouleaux qui se trouvent près de lui contiennent son histoire et
aussi un héritage substantiel qu'il lègue aux deux clans : il s'agit des
bases d'un nouveau Bugei, issu de plusieurs autres techniques, et qui s'avère
strictement inconnu. (Il ne peut être développé que par le travail d'un
Maître en Kenjutsu, Atemijutsu et Jujutsu, car il s'agit d'une fusion de ces
trois techniques.) Ces documents sont destinés aux Sensei des deux écoles.
Auteur : Michel Serrat